#CIHA202402063Matérialiser et interpréter le flux : nouveaux paradigmes dans la photographie des conflits au XXIe siècle

A. Penser la Matière 1
Les matérialités de la photographie
L. Moriceau-Chastagner 1.
1Institution - Paris (France)


Adresse email : lucie.moriceau-chastagner@musee-armee.fr (L.Moriceau-Chastagner)
Discussion

Co-auteur(s)

Sujet en anglais / Topic in english

Sujet de la session en français / Topic in french

Texte de la proposition de communication en français ou en anglais

L’exposition « Photographies en guerre », présentée au musée de l’Armée en 2022 interrogeait la question de la représentation des conflits par le médium de ses origines à nos jours, explorant les rapports complexes entre photographie et guerre, relevant de pratiques plurielles (amateurs ou professionnelle), d’intentions et d’usages multiples, dans les champs les plus variés (militaire, politique, social, culturel, esthétique). Les problématiques se fondaient sur un propos discursif et chronologique sur les guerres, arrimées à l’enjeu de la variété des regards et des intentions, comme de la matérialité des images produites : support récepteur des photographies (du calotype au smartphone), format, statut de l’unicum au multiple, impact de la diffusion à la date de l’événement jusqu’à sa relecture actuelle. Inaugurée pendant le début de la guerre en Ukraine, sans préscience de l’actualité, l’exposition abordait l’évolution actuelle de la photographie de conflits, son changement de paradigme à l’aune de la crise du photojournalisme, du « tous photographes » et de l’hybridation des pratiques, déplaçant, pour certains auteurs, la frêle frontière entre document et œuvre d’art, information et installation.

Dans le sillage des recherches poursuivies depuis l’exposition, la communication s’appuiera sur une mise en perspective du travail de plusieurs photographes qui rendent compte de réflexions et de nouvelles formes de matérialité face au sujet de la représentation des conflits. À l’heure de la viralité des images accessibles en continu sur les réseaux, comment préserver l’attention et éveiller les consciences sur la fureur du monde ? Ainsi, avec sa série L'Écrit de l'histoire (2015) Lisa Sartorio interroge la banalisation du regard sur l'image de guerre et la violence. En agrégeant des myriades de photographies d’armes automatiques collectées sur internet, l’artiste créée des paysages subliminaux, invitant le spectateur à se rapprocher pour restituer à la représentation sa force et sa lisibilité. Laurent Van der Stockt interroge le statut de l’image de guerre dans sa monstration et opère un passage du journal à la cimaise en proposant le circuit d’une Une du Monde consacrée à la Bataille de Mossoul en  2017. De l’enregistrement d’un événement en 1806 photographies au travail d’éditing, resserré à une unique prise de vue, c’est l’ensemble du cheminement intellectuel et informationnel qui est proposé sous forme d’installation-synthèse au public. Michel Slomka, de l’agence Myop, collecte des images satellites depuis 2016 grâce au logiciel Google Earth. Fondé sur un rigoureux processus d’enquête journalistique, il recompose, en cadrant dans l’océan des images produites en continu par les machines, les motifs imprimés à l’espace par les activités humaines en temps de guerre.

De la prolifération des armes aux menaces cybernétiques sur les infrastructures ukrainiennes, en passant par les images prises par les civils ou les combattants eux-mêmes, de nombreux photographes contribuent à un renouvellement des représentations des conflits à l’heure du post-documentaire. En créant ou en remployant, ils rendent intelligible le flux de données visuelles et participent à de nouvelles formes de matérialisation de l’information. Ensembles, ils poursuivent plus que jamais leur rôle premier : documenter et aider à la compréhension du monde contemporain.


Bibliographie

CV de 500 signes incluant les informations suivantes: Prénom, nom, titre, fonction, institution

Lucie Moriceau-Chastagner

Responsable des collections de photographies du musée de l'Armée, adjointe à la cheffe du département beaux-arts et patrimoine

Titulaire de masters en Histoire de l’art et en Muséologie (Université Rennes II et École du Louvre), Lucie Moriceau-Chastagner est responsable de la collection de photographies du musée de l’Armée et adjointe à la cheffe du département beaux-arts et patrimoine depuis 2021. De 2008 à 2021, elle a œuvré à la conservation et à la valorisation des archives audiovisuelles de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD). Elle a assuré plusieurs commissariats d’expositions dont Raymond Depardon : 1962-1963, photographe militaire (musée national de la Marine et musée du Service de santé des armées, 2019-2020), Les Français au travail 1945-1980. Archives photographiques de La Documentation française (Blois, 2021) et Photographies en guerre (musée de l’Armée, 2022).


Résumé / Abstract

Depuis sa création, la photographie met en jeu la question du réel dans la représentation des conflits, témoignant de pratiques, d’intentions et d’usages multiples. Aujourd’hui, la circulation massive d’images en flux ductile à l’heure du « tous photographe » sur les réseaux, déplaçant le rôle du photojournalisme traditionnel, invite à penser les évolutions de la photographie de guerre par les auteurs. À travers une mise en perspective d’exemples puisés chez Laurent Van der Stockt, Lisa Sartorio, Michel Slomka et Thibaut Brunet, il s’agira de comprendre comment l’hybridation des écritures photographiques rend intelligible la noria de données visuelles, en créant ou en remployant des images, dans une nouvelle matérialité qui documente et interprète le monde contemporain au prisme des conflits.